LE MANGA SEKIRO PARFAIT ?
En deux mots :
Magnifiquement bien dessiné, le manga s’appuie sur l’histoire d’Hanbei, PNJ du jeu Sekiro: Shadows Die Twice, plongé dans un contexte aussi passionnant que nébuleux qui plaira aux fans du jeu mais pourrait risquer de perdre les moins connaisseurs.
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4 (2 votes)Sekiro : Hanbei l’Immortel est un manga de type seinen inspiré du jeu vidéo à succès Sekiro: Shadows Die Twice, dessiné et imaginé par Shin Yamamoto, à qui l’on doit Twelve Demon Kings ou encore Monster Hunter Flash, sous la supervision de FromSoftware et publié en France aux éditions Mana Books. La maquette de couverture, véritable œuvre d’art par elle-même, est signée en France par Cerise Heurteur.
Sorti le 12 mars 2020, dans un contexte particulier, il n’a finalement été possible pour la grande majorité des lecteurs de ne se procurer l’œuvre qu’une fois le déconfinement annoncé. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le manga Sekiro était très attendu, du moins chez les fans du jeu vidéo, ce qui était donc mon cas.
Japon, ère Sengoku, quelques années avant Sekiro.
En préambule, il est important de noter que Sekiro : Hanbei l’Immortel raconte une histoire originale qui prend place quelques années avant les aventures du jeu. L’action se déroule alors une vingtaine d’années après la prise de pouvoir de la province septentrionale d’Ashina par le seigneur Isshin, alors que le ministère de l’intérieur, soutenu par la politique centrale, souhaitait récupérer la province du nord pour ainsi réunifier le Japon. Dans ce paysage complexe évolue un samurai solitaire du nom de Hanbei, qui possède un pouvoir étrange : celui de l’immortalité, qui va fatalement ralentir les projets d’Isshin.
Alors qu’Hanbei parcourt le pays, sans raison de vivre, et plus encore, sans raison de lever son katana, celui-ci croise la route de Shokichi, un jeune guerrier inexpérimenté qui souhaite protéger son village, pris entre deux feux, et en proie à de nombreuses disparitions inexpliquées. Hanbei, pris d’humanité, accompagne alors le jeune homme dans sa quête de protection, et l’aide à enquêter sur les événements mystérieux qui se cachent derrière ces enlèvements.
Mais qui est Hanbei l’Immortel ?
Pour ceux qui ont déjà joué au jeu Sekiro: Shadows Die Twice, le nom de Hanbei résonne à la fois comme ce nom que l’on connaît même s’il paraît difficile d’y mettre un visage. Pour cause, Hanbei est le personnage non-jouable qui se trouve dans le Temple en ruines, sorte de Quartier Général de Loup, qui officie en tant que tutoriel, et permet donc au joueur de s’entraîner indéfiniment aux techniques les plus ardues face à ce personnage qui ne peut mourir.
Dans le jeu vidéo, si le personnage représente des fonctions de sennin d’entraînement, il porte surtout une quête secondaire des plus faciles à compléter. En effet, lorsque Loup (Sekiro) aura réussi à vaincre Genichiro, celui-ci pourra entrer en possession de la Lame de la Mort, unique arme capable de tuer ce qui ne peut l’être. Ainsi, une fois l’arme acquise, vous pourrez enfin ôter la vie à Hanbei, qui vous remercie d’abréger ses souffrances.
Grâce au manga, Sekiro : Hanbei l’Immortel, on apprend surtout à connaître et à découvrir ce personnage sorti de nulle part qui apparaît comme fatigué par la vie et par son immortalité, mais aussi comme stratège, réaliste, dénué de tout espoir. Si l’immortalité aura bien apporté quelque chose à Hanbei, c’est avant tout son incapacité à se soucier pleinement du monde qui l’entoure. Pour autant, il reste à la recherche constante d’un but, d’une destinée. C’est finalement auprès du Sculpteur que cet anti-héros trouve une forme de repos, reclus du monde et de la guerre, et incapable donc de ne plus tuer qui que ce soit.
Au-delà de Sekiro
Le manga donne alors non seulement une partie de l’histoire de ce personnage – a priori très secondaire – en expliquant d’où il vient, mais confère surtout un relief tout particulier au contexte dans lequel Loup évolue dans le jeu vidéo. Ainsi, l’œuvre de Shin Yamamoto nous offre une réelle opportunité de nous replonger dans l’univers si riche du jeu vidéo, tout en apportant de nombreux éléments qui viennent se coller, telles des pièces manquantes d’un puzzle politique et militaire, en compléments du lore. En effet, le lecteur connaisseur se délecte de retrouver de nombreux codes respectés à la lettre comme les techniques de combat, des coups spéciaux ou encore des adversaires redoutables comme Isshin Ashina, Genichiro, Dojun ou encore le Singe Gardien, boss qui aura, à coup sûr, valu quelques sueurs froides aux habitués du jeu.
C’est également avec un plaisir certain que nous pouvons profiter de paysages déjà connus et, bien qu’ici dénués de couleurs, toujours aussi charmants et puissants. Je pense, par exemple, à la reproduction du château d’Ashina ou encore de la plaine de guerre dans laquelle Isshin Ashina terrasse le Général Tamura, scène que nous avions déjà pu voir en cinématique du jeu vidéo, ici sublimée sur deux pages en couleur en guise d’introduction au manga, comme un hommage au produit d’origine.
Un manga à part entière ?
En faisant le pari de raconter une histoire originale sur un personnage aussi mystérieux qu’inconnu, Shin Yamamoto prend surtout le risque d’adapter un jeu vidéo et une ambiance extrêmement forte et aux codes très présents dans un format nouveau, en noir et blanc et sans mouvements. Pourtant, le trait très fin du style seinen respecté à la perfection et l’encrage divinement réalisé, permettent au manga de vivre à la limite du standalone. Toutefois, si j’ai pris un plaisir dingue à découvrir et à comprendre l’histoire à la fois onirique et politique du jeu vidéo, j’ai trouvé la trame narrative plus complexe à comprendre sous le format manga que manette en main.
Mon avis
Sekiro : Hanbei l’Immortel offre au jeu Sekiro: Shadows Die Twice une profondeur nouvelle, en se concentrant sur un personnage méconnu, porteur d’une tranche d’histoire. On pourrait néanmoins reprocher à l’œuvre, visuellement très réussie, de venir prendre place dans un contexte politique complexe qui n’est pas toujours bien explicité et dans lequel, sans connaissance liée au jeu vidéo, il faut parfois se laisser guider sans pouvoir comprendre précisément les enjeux.