L'EFFET PAPILLON ET LA MORT
En deux mots :
Last Day of June est un récit émouvant dans lequel un personnage va chercher différents moyens de sauver la personne qu’il aime à travers des scenarios alternatifs. Une merveille aux mécaniques redondantes mais dont on se délecte.
User Review
0 (0 votes)Last Day of June est un jeu vidéo d’aventure développé par Ovosonico et édité par 505 Games, sorti le 31 août 2017 sur PC, Nintendo Switch et PlayStation 4. Conçu par Mattia Traverso, il s’agit d’un jeu narratif de réflexion.
Le pitch
Vous incarnez Carl, jeune homme heureux en couple. Vous vous réveillez d’une longue sieste lorsque votre compagne, June, reçoit, dans votre dos, un cadeau qui vous est dédié. Lorsque celle-ci cherche un moyen de vous offrir votre présent, lui vient une idée : et si vous alliez au bord du lac, lieu éminemment le plus romantique du petit village dans lequel vous vous trouvez ? Carl se réveille alors, surpris par des coups de feux : ce sont ceux d’un chasseur. Un enfant, qui s’amusait dans le coin, vient vous proposer de jouer avec lui, mais vous n’avez pas le temps. Vous décidez alors de chercher votre dulcinée dans la maison quand vous croisez votre meilleure amie qui vous rend un outil de travail. Vous montez à l’étage et tombez sur votre femme qui vous propose d’aller au bord de l’eau. Vous y allez. Tout y est merveilleux. Malheureusement, la pluie pointe le bout de son nez et vous décidez alors de rentrer chez vous précipitamment. Mais voilà, la route est mouillée, vous conduisez et finissez dans le ravin. Votre femme meurt, et vous vous retrouvez en fauteuil roulant. Voici commence l’histoire de Last Day of June.

Ce sont donc les débuts des aventures de Carl, jeune homme à lunettes, qui essayera tant bien que mal de réécrire l’histoire à travers ses différents souvenirs, pour lutter contre l’inévitable. Le question qui se pose alors est la suivante :
Que feriez-vous pour sauver la personne que vous aimez ?
Inspiré de la chanson « Drive Home » de Steven Wilson, le jeu Last Day of June propose au joueur l’expérience d’un deuil dans lequel le personnage principal cherche avec une fougue indicible à lutter contre l’effet papillon. Pour cela, Carl retourne dans ses souvenirs pour essayer de modifier son destin. Ainsi, le joueur incarne tour à tour plusieurs personnages, pour vivre chacune des réalités alternatives possibles, en quête de la version de l’histoire dans laquelle Carl réussit à sauver June.
Carl
Petit homme à lunettes, il est vu comme un super-héros par sa femme. Il mène avec June une vie paisible.
June
June est mariée à Carl et dépense son temps comme artiste peintre.
L’enfant
L’enfant s’ennuie énormément dans le petit village dans lequel il habite. Pour s’occuper, il joue au ballon ou au cerf-volant. En termes de gameplay, l’enfant est petit et peut donc passer par des endroits étroits. Il peut également utiliser son ballon pour faire tomber des barils et ainsi ouvrir plusieurs chemins. L’enfant est distrait et ne réfléchit que peu aux conséquences de ses actes. Il pourrait alors aisément causer un accident.
Le chasseur
Le chasseur vit dans une ancienne maison familiale et vénère la tradition et les médailles de famille. Lorsqu’un oiseau vole une de ses médailles, il prend son fusil et appelle son chien pour récupérer son bien. S’il ne fait pas attention, il pourrait bien causer la mort de quelqu’un.
Le vieil homme
Le vieil homme n’aime pas qu’on lui vole ses cordes. Pourtant, celles-ci sont utiles à plusieurs personnes et pour plusieurs choses.
La meilleure amie
Follement amoureuse de Carl, elle décide de partir dans la hâte du petit village. En déménageant, elle espère ne plus souffrir, s’éloignant de l’amour qu’elle ne connaîtra jamais. Mais dans sa précipitation, elle pourrait bien causer un accident.
Vous l’aurez compris, chaque personnage doit trouver un moyen de vivre sa propre vie tout en épargnant celle de June. Vous incarnez alors chacun de ces personnages, souvent en revivant les mêmes heures, mais en essayant de changer – même de façon insignifiante – quelque chose qui puisse permettre de sauver June, comme s’il s’agissait d’une équation mathématique, en rebattant les cartes de la vie.
Si le concept même du jeu est assez novateur et très prenant, il n’empêche que les sessions de jeux peuvent s’avérer très répétitives, en mode casse-tête. Ainsi, à l’instar de Carl, vous vous prendrez littéralement la tête à chercher un moyen de sauver cette pauvre June. Si le sentiment que l’on partage avec le protagoniste est donc fidèle à l’émotion que l’expérience veut transcrire, le jeu reste un peu agaçant, une fois l’émerveillement visuel passé.
Une direction artistique colorée
Côté direction artistique, je serai peu modéré : le jeu est sublime. Avec son style “peint à la main” et son character design très particulier, Last Day of June marquera les esprits par son univers très coloré et charmant. Point d’ailleurs qui, à mon sens, sublime l’histoire qui nous est ici racontée : il est terriblement difficile d’en vouloir à quiconque des événements qui vont suivre, tant chacun est attachant. Pourtant, si Last Day of June est un jeu résolument narratif à options variables, le jeu ne propose aucune ligne de dialogue, aucun texte, aucun mot. Les seules phrases prononcées que vous pourrez entendre sont des sortes de “glougloui” qui ne sont pas sans rappeler Okami.
Côté musiques, j’applaudis le travail de Steven Wilson, artiste de la chanson à l’origine du jeu, qui a su proposer une bande-son en parfait accord avec l’univers dépeint. Pour cause, les compositions sont à la fois tendres, calmes et emplies de poésie.
La surprise de la mort
Attention, ce paragraphe compte quelques SPOILERS.
Comme vous l’aurez compris, le thème principal de Last Day of June est celui de la mort et des étapes du deuil. Comme je l’avais souligné dans mon test de The First Tree, cette thématique est très présente dans des jeux indépendants. En guise d’exemple, parmi mes préférés, on peut immédiatement penser à RiMe, Hellblade: Senua’s Sacrifice, What Remains of Edith Finch, The Vanishing of Ethan Carter, Sea of Solitude, Manifest 99 ou encore l’incroyable The Unfinished Swan.

Là où Last Day of June trouve vraiment son originalité, c’est à mon sens dans son épilogue. En effet, à la fin de l’aventure, votre personnage finit par comprendre qu’une issue positive est tout simplement impossible. Aucune des possibilités ne permettrait à votre partenaire de survivre. C’est alors que le réel protagoniste du jeu entre en scène : June. En réalité, et ce depuis le début, elle voit Carl comme un super-héros, celui de son imagination. Ce n’était pas Carl qui conduisait la voiture, mais elle. Et c’est lui qui est mort dans l’accident.
Grâce à ses créations, June a tout tenté pour faire revivre son amant, mais en vain. Les dernières images sont ainsi celles de June, enceinte, qui dépose les grandes lunettes de Carl sur sa tombe. Suite aux crédits, on voit enfin June et son enfant, jouer près de l’eau, là où tout a commencé. Le joueur comprend alors que le titre du jeu Last Day of June ne fait pas référence à ses derniers jours sur Terre, mais à ses derniers jours avec Carl. Personnellement, j’ai découvert cette fin avec une grande surprise, et considère que celle-ci apporte beaucoup au jeu.
Mon avis
Si les mécaniques intrinsèques au jeu qui consistent à faire revivre au personnage et au joueur les mêmes événements encore et encore finissent par être lassantes, il n’en reste pas moins à l’arrivée un petit bijou de narration à la direction artistique unique et totalement maîtrisée. Je ne peux que recommander cette petite pépite.