Le manga de type shōnen est sans doute le plus populaire à travers le monde. En Occident, le mot shōnen est utilisé pour désigner une ligne éditoriale, un type d’œuvre. La cible éditoriale du shōnen est constituée principalement de jeunes ados masculins, voire jeunes adultes. Évidemment, le public de ces œuvres s’étend bien au-delà de ce champ, touchant aussi les femmes et les adultes. Ce genre est souvent confondu ou fusionné avec le nekketsu. Il s’agit d’un canevas, d’un procédé narratif. Ce sont des récits initiatiques, des aventures directement inspirées du concept du « monomythe » décrit par Joseph Campbell (point de base narratif pour les grandes œuvres littéraires ou cinématographiques). Le célèbre Osamu Tezuka est celui qui a créé le genre dans les années 1940 avec son manga : La Nouvelle Île au trésor. Mais c’est bien à partir des années 1980 que le genre shōnen a explosé dans le monde. Des œuvres légendaires ont été écrites depuis, offrant aux lecteurs des héros inspirants avec qui ils ont pu grandir. Ces personnages, loin d’être de simples héros lisses, manichéens ou monolithiques, fascinent des millions de gens à travers le monde.
Je vais à présent vous présenter les dix héros qui ont sublimé le genre du shōnen et du nekketsu, tout autant qu’ils ont magnifié les récits de fiction. Je précise cependant, avant tout, que ce classement est totalement personnel et donc subjectif… C’est pourquoi, malheureusement, des personnages cultissimes n’apparaîtront pas dans ce Top.
#les mentions très honorables
Deku (My Hero Academia) ou Tanjirō (Demon Slayer) par exemple, connaissent un succès trop récent pour juger de leur impact sur le manga en général. D’autres échouent à la porte du Top 10, comme Tsubasa Ozora (Captain Tsubasa), Sena Kobayakawa (Eyeshield 21) ou Yūgi Muto (Yu-Gi-Oh!). Ces derniers peuvent difficilement être placés au dessus des monstres cultes du classement. Enfin, ne me pourchassez pas avec des fourches, mais vous ne trouverez ni Edward de Fullmetal Alchemist, ni Yusuke Urameshi de Yu Yu Hakusho ou encore Eikichi Onizuka de GTO. Ils sont incontournables évidemment et ont donné à leur façon des lettres de noblesse au shōnen. Mais il a fallu faire des choix. Pas de Light Yagami (Death Note) non plus, tant il est difficile de ne pas le considérer comme l’antagoniste de sa propre histoire.
#10 – Kenshirō (Hokuto no Ken) / Ryō Saeba (City Hunter)
Même si ce ne sont pas les héros que je connais ou que j’apprécie le plus, il fallait un pilier du genre pour débuter ce classement. Difficile de trancher entre Kenshirō (Hokuto no Ken – Ken le survivant) et Ryō Saeba du manga City Hunter (ou Nicky Larson pour les Français). Le premier parcourt un monde post-apocalyptique pour aider les villageois dans le besoin. Pour cela il utilise les arts martiaux et multiplie les combats ultraviolents. Depuis les années 1980, Kenshirō – autant désigné pour sa force que pour ses qualités humaines – est devenu un emblème du shōnen. Il a inspiré directement ou indirectement plusieurs personnages de ce classement. Quant à Ryō Saeba, créé 2 ans plus tard, c’est à la fois un nettoyeur, un garde du corps ou un détective qui accomplit des missions dans un Japon contemporain. Froid avec autrui en apparence, léger et volage (pour ne pas dire pervers) avec les femmes en surface, il faut tourner les pages et briser la carapace de ce symbole de virilité pour en saisir les faiblesses. Ce héros surjoue. Conscient de la noirceur du monde dans lequel il évolue, il dissimule ses sentiments derrière un masque d’hédoniste impertinent. Malgré tout, Ryō Saeba est un protagoniste dévoué et charismatique très attaché à son code de moralité. Ces deux personnages ont l’air éloigné des actuelles figures incontournables du shōnen. Mais si l’on cherche bien, on peut retrouver une partie de leur histoire, de leur caractère ou de leur design chez les autres membres de ce Top.
#9 – Sakata Gintoki (Gintama)
Sa présence dans ce classement vous étonne ? C’est normal. Le manga Gintama est peu connu en Occident. Pourtant au Japon, il est hissé au Panthéon des œuvres shōnen. Difficile de ne pas mentionner un manga qui brise aussi souvent le 4e mur en faisant des références à d’autres classiques. C’est ce côté décalé qui va nous intéresser avec le protagoniste principal de l’histoire : Sakata Gintoki. C’est un samouraï et bretteur très puissant, au chara-design soigné. Pourtant ce sont les rares éléments qui le rattachent aux codes classiques du genre. Ce personnage est vénal, immature, nonchalant et a quelques problèmes avec la nourriture. Il constitue un vent de fraîcheur pour tous ceux ayant grandi avec les héros shōnen modernes, ou même avec ceux de l’ancienne génération. Mais même avec ce côté absurde, Gintoki véhicule plusieurs valeurs fortes, communes aux œuvres du genre. Il montre qu’il faut toujours lutter contre les injustices et se battre pour être libre ou pour protéger les siens. En somme, dans cet ovni qu’est Gintama, ce personnage montre qu’un message peut se transmettre même si l’on ne respecte pas une structure classique.
#8 – Ichigo Kurosaki (Bleach)
Fut un temps où ce personnage était considéré comme le troisième membre d’un trio mythique, composé de Naruto et Luffy, destiné à dépasser Dragon Ball. Même si la fin du manga dont il est issu, Bleach, n’a pas eu le succès escompté, le personnage d’Ichigo Kurosaki a marqué les fans de manga et de nekketsu. Ichigo est un jeune lycéen qui obtient un peu malgré lui des pouvoirs de shinigami, des esprits qui luttent contre les âmes errantes s’en prenant aux vivants. Celui-ci évolue, développe ses capacités et lutte contre des menaces toujours plus critiques. Ce personnage a presque toute la panoplie du héros de shōnen classique : il est charismatique, possède un potentiel insoupçonné, mène des batailles épiques, se tranforme à la façon d’un Naruto ou d’un Goku, en plus d’avoir la volonté inébranlable de défendre ses proches. Beaucoup pourront s’étonner de le voir dans ce classement, car il ne possède pas vraiment de quête initiatique, de but idéal à atteindre. C’est selon moi ce qui a fait le succès de ce héros. Ichigo Kurosaki est un jeune homme comme les autres. Il vivait simplement sa vie d‘étudiant, faisait face à ses problèmes de famille, avant qu’une situation extraordinaire ne lui tombe dessus. Nous ne sommes pas tous promis à une destinée prophétique après tout. C’est pourquoi autant de jeunes se sont retrouvés en lui. Ce protagoniste, c’est l’autre façon de concevoir les récits nekketsu. Cela ne l’a pas empêché également d’atteindre les plus hauts sommets de son univers, non sans un certain panache.
#7 – Jotaro Kujo (JoJo’s Bizarre Adventure)
Difficile de choisir un protagoniste principal dans JoJo, tant chaque représentant de la lignée des Joestar a marqué le public et les fans. Malgré tout, Jotaro semble être celui qui représente le mieux le genre shōnen dans un manga qui se réinvente sans cesse. De plus, c’est le personnage le plus présent dans l’histoire (4 parties en tout). Il est fascinant à suivre car sa personnalité évolue grandement tout au long des tomes de JoJo. D’abord loup solitaire, ténébreux et violent, il devient une sorte d’exemple à suivre, ou de référence par la suite. Mais là où ce protagoniste prend ses lettres de noblesse, c’est dans son opposition avec Dio, le plus grand antagoniste de la série et le cauchemar de la famille Joestar. Jotaro est celui qui parvient à le battre dans un affrontement épique qui a sûrement fixé une grande partie des codes du nekketsu (Naruto, One Piece, Hunter x Hunter s’en sont tous inspirés au moins une fois). C’est simple, ce combat est celui qui a propulsé JoJo’s Bizarre Adventure dans une autre dimension. Ce personnage est un peu le best of de ce qui a fait le succès des héros shōnen à l’ancienne : un chara-design à la Ken le survivant, des pouvoirs épiques provenant d’une énergie ésotérique, une quête d’identité et de repères. Bref, un must du genre.
#6 – Kenshin Himura (Kenshin le vagabond)
Voici un des plus beaux exemples de protagoniste se détournant des codes classiques du parcours initiatique, où le héros est un novice. Ce personnage charismatique était un peu comme un One Punch Man avant l’heure, car invincible et surpuissant. Kenshin est – dans son univers – le meilleur samouraï de tous les temps, ni plus ni moins. Pourtant, pour des raisons que je vous laisse le soin de découvrir, il a juré de ne plus tuer. Pour cela, il utilise une lame « inversée », voire son fourreau pour se battre. Les combats sont haletants et n’ont rien à envier aux autres cadors de ce classement. Contrairement à un Saitama justement, vous allez vite vous rendre compte que la survie de ce personnage est loin d’être assurée. C’est ce qui en fait son succès et son intérêt. En fait, Kenshin le vagabond, c’est comme si le genre shōnen nekketsu avait été renversé. On suit un héros en quête de rédemption dans une société japonaise changeante qu’il ne reconnaît plus, une fois que son parcours initiatique est achevé et ses limites déjà surpassées. Mais que reste-t-il d’intéressant à raconter dans ce cas ? Son passé, ses interactions avec d’autres personnages et la mise à l’épreuve de son crédo. Kenshin est à la fois charismatique, talentueux, mélancolique, inspirant. Bref : un personnage qui a ouvert la porte d’une nouvelle ère pour les shōnen.
#5 – Gon Freecss (Hunter x Hunter)
Le visage de Hunter x Hunter ne pouvait que figurer dans ce Top. Il était évident qu’un personnage de Togashi devait être mentionné. Avec Gon Freecss, tout du moins au début, on a le droit à ce qui semble être un autre exemple de la recette magique du shōnen, qui a déjà engendré un Naruto ou un Luffy. C’est un jeune garçon plein de vie qui décide de partir à l’aventure pour devenir un hunter, citoyen d’exception au pouvoir extraordinaire et au quotidien imprévisible. Comme la plupart des grands noms du shōnen et du nekketsu, Gon est impulsif, instinctif, naïf, armé d’une volonté inébranlable et est prêt à tout pour protéger ses amis. Plus qu’un héros classique, un héros cliché alors ? Absolument pas. Puisque là où ce protagoniste tranche avec les autres grands noms du manga, c’est qu’il est en recherche de repères, notamment de SON père. C’est sa véritable motivation lorsqu’il quitte l’île où il a grandi. Au fil de son périple, Gon grandit, mûrit, devient plus fort. Personnification même de l’enfant candide qui se heurte à la cruauté du monde. C’est ça qui fait toute la sève du personnage. Dès le départ, on sent une part d’ombre en lui, un côté bestial qui pourrait exploser si sa fragile balance mentale venait à se déséquilibrer. Cela se produit irrémédiablement. Oui, le jeune Gon est le premier protagoniste de ce classement à se muer en antagoniste, en monstre dans son propre récit. Cette évolution subtile, ce grain de sable dans le mécanisme shōnen rend ce héros unique, et Hunter x Hunter, une totale réussite.
#4 – Naruto Uzumaki (Naruto)
Le jeune shinobi du village caché de Konoha est sans conteste le protagoniste manga incontournable des années 2000. C’est simple, il incarne le genre shōnen à la perfection. Naruto, ninja mal aimé, part de rien, gravit les échelons et surpasse ses adversaires pour finalement atteindre le but qu’il s’est fixé dès le premier tome. Il place l’amitié comme valeur indépassable, autre impératif du genre. Il était à l’époque la version moderne de l’archétype du héros vertueux, en plus de sublimer des caractéristiques devenues des classiques : être un génie du combat et une source d’inspiration. Naruto Uzumaki transforme un monde ravagé par la guerre grâce à sa détermination sans faille et ses exploits sur les champs de bataille. Pour toute une génération d’ados, il a été la figure emblématique de la lutte contre le déterminisme : personne n’est esclave de sa condition. Mais que fait-il si bas dans le classement ? Eh bien, il paye justement les errements de son auteur, qui a grandement égratigné le symbole de son héros dans les tous derniers instants de son récit.