ET SI TU N'EXISTAIS PAS...
En deux mots :
Réalisé avec intelligence et tact, Back to You mérite d’être découvert et lu. Adeptes de romances entre deux adultes (ou presque), vous serez conquis.
User Review
0 (0 votes)Back to You ou Kako no Anata, Mirai no Kimi, de son titre original, est un one shot de type shōjo écrit et dessiné en 2018 par Senmitsu, auteure du boy’s love Hajimemashite, Sawatte Kudasai. Le manga de 300 pages (c’est assez rare pour être souligné) est sorti en octobre 2020 en France aux éditions Akata. Pour l’anecdote, Back to You n’existe qu’en version numérique au pays du Soleil levant, et ce one shot publié par Akata est donc le fruit d’un long travail de collaboration entre l’éditeur français et son partenaire nippon pour l’occasion, Kōdansha.
Il s’agit du premier shōjo, qui plus est, “adulte”‘ de l’auteure qui signe ici une oeuvre attendrissante et réaliste à souhait (en dehors de son léger aspect fantastique, bien entendu). À la rédaction, nous l’avons beaucoup apprécié ! On vous dit tout.
Le pitch
Sayako et Naohiko sont en couple depuis bientôt dix ans. Mais à cause de la routine, leur relation semble battre de l’aile. Entre leur vie intime peu épanouie et l’absence d’attention de la part de son conjoint, Sayako commence à douter. Pourquoi Naohiko ne la demande-t-il pas en mariage malgré des années de vie commune ? A-t-il peur de s’engager ? Un soir, tandis qu’elle doute, un étrange phénomène se produit : en descendant les marches d’un escalier, elle remonte dans le temps et retrouve Naohiko alors qu’il était encore lycéen… celui-là même dont elle était tombée amoureuse. S’agit-il d’un rêve, d’une illusion ou peut-être d’une nouvelle réalité ?
Une romance qui ne date pas d’hier
Il est parfois compliqué en France de classer les shōjos dits matures ou adultes (sous-entendant la présence de scènes explicites à l’image des seinen). S’il arrive, bien trop rarement, que certains soient catégorisés dans les josei, d’autres demeurent classés en shōjo. C’est le cas de Back to You, qui, à mon sens, correspond pourtant bien plus à un josei. Avec un point de vue adulte, le one shot aborde une thématique familière à tout un chacun ou presque : la relation de couple. Ici, nos deux protagonistes, Sayako et Naohiko, vivent une romance de longue date : dix ans pour être exacte. Et comme de nombreux couples avant eux, la routine et la lassitude ont pris le pas sur l’excitation des débuts.
Comment raviver la flamme ? La solution est toute trouvée dans Back to You : la puissance des souvenirs passés à deux. Cette force est ici matérialisée par le voyage temporel de Sayako, sous forme de quintessence de sa nostalgie. Pour ceux qui sont sceptiques sur cet aspect fantastique, soyez sans crainte. Comme dans orange (difficile de ne pas faire le parallèle), le rythme entre les passages dans le passé et le présent est très bien réalisé.
À travers son voyage dans le passé, Sayako se rend compte de beaucoup de choses, non seulement concernant son couple mais aussi sur elle-même et ses proches. Elle prend beaucoup de recul sur sa situation actuelle, quitte à se perdre presque dans ses souvenirs et la mélancolie. Elle rencontre à nouveau l’homme qu’elle aime, sous un jour différent puisqu’il s’agit de la personne dont elle est tombée amoureuse. Comment ne pas se rendre compte du poids des années et des responsabilités d’adulte qui ont opéré considérablement sur la personnalité de Naohiko ?
La jeune femme se questionne beaucoup, comme probablement certains lecteurs, sur la possibilité de “revenir en arrière” pour que tout redevienne comme avant. Pourtant, et bonne surprise, Sayako s’avère lucide et réalise très vite que ce n’est pas possible. La psychologie du personnage est très bien travaillée, de même que celles des “deux Naohiko” (en particulier le plus jeune). Tous sont attachants.
La magie des débuts
Dès le début du manga, il vient rapidement en tête que la fin de Back to You ne peut advenir que de deux façons : la fin ou le renouveau de la relation du couple. Au fil des chapitres, l’auteure se plaît à mettre le doute dans l’esprit des lecteurs, à travers des rebondissements subtils et dans l’ensemble réalistes au sein d’un triangle amoureux original, sans nul doute. Finalement, est-ce qu’on peut vraiment parler de “tromperie” quand il s’agit de la version jeune de son conjoint ? Question qu’on ne se serait jamais posée, c’est sûr ! Mais grâce à cette situation inédite, Sayako retrouve des sentiments qu’elle n’avait plus ressentis depuis longtemps tels que les papillons dans le ventre. Elle est émoustillée par un Naohiko adolescent, bien que très différent de celui du présent, au point d’en bousculer sa relation actuelle.
En prenant conscience de ses émotions, la jeune femme se rend compte des risques pour son couple. Au-delà de la routine, elle fait face à une menace inattendue, du moins pour elle : son amie Misato, éperdument amoureuse de Naohiko au lycée. Est-ce terminé ou l’aime-t-elle toujours ? Des questions que le lecteur peut également se poser, tant il est aisé de s’identifier à Sayako.
En dehors de la romance idyllique ou presque de Sayako et Naohiko, Back to You évoque des sujets sociétaux comme la différence d’âge ou l’importance du surmenage et ses conséquences sur un couple. Il est intéressant que ces thématiques actuelles soient abordées d’autant qu’au Japon, ces deux-là ne sont pas perçues de la même façon qu’ailleurs. La différence d’âge entre un homme et une femme, surtout si celle-ci est plus âgée, est souvent décriée au Japon.
Quant au surmenage, il faut savoir que beaucoup de salarymen japonais travaillent beaucoup trop et que le taux de mortalité pour cette raison est effarant tant il est haut. L’auteure frappe ainsi fort en appuyant sur ces sujets d’importance et notamment sur leur impact dans un couple.
Mon avis sur Back to You
Back to You est tout à fait le genre de manga que j’aime. Un shōjo / josei qui raconte, d’un point de vue assez réaliste, une romance adulte. L’auteure sait de quoi elle parle : de l’importance des petits détails aux problèmes sous-jacents qui se passent dans un couple. L’ensemble du récit est bien ficelé et ses personnages, dessinés avec grâce et délicatesse, sont sympathiques du début à la fin. La nostalgie qui se dégage du one shot est très prenante, au point de faire réfléchir le lecteur même. J’espère que l’angle “adulte” du shōjo l’aidera à se démarquer des idées reçues concernant le genre.