La Nintendo Switch est-elle la meilleure arme des gardiens des portes de l’enfer ?
Hell Warders est un jeu créé par Anti Gravity Game Studio et distribué par PQube en France. Il s’agit d’un Tower Defense Action-RPG disponible le 21 février 2019 sur PC et Nintendo Switch. Comme son nom l’indique, le jeu vous mettra dans la peau de gardiens protégeant le monde des troupes de l’enfer.
A priori classique, Hell Warders est un condensé de nombreuses propositions que nous pourrions avoir si nous voulions porter le gameplay spécifique du tower defense sur console. Mais un portage du système est-il réellement possible et la Nintendo Switch est-elle le bon support pour cette tentative ?
Un Tower Defense Action-RPG ?
Pour bien comprendre tous les éléments de critique négative ou positive que je vais présenter, commençons par la base. Un jeu de style tower defense vous positionne dans la peau d’un héros devant défendre un objectif stratégique qui va se retrouver submergé par des troupes ennemies.
Vous devez donc positionner et améliorer vos troupes de manière à contenir le flux d’ennemis. Le tout en réussissant à les tuer avant qu’ils atteignent votre base. Généralement joué en vue aérienne, ce style a connu ses heures de gloire sur PC; cette plateforme offrant la rapidité nécessaire pour remplacer ses défenses de manière précise avec sa souris. Mais aussi, elle permet de disposer rapidement de chaque arme de défense en les assignant aux différentes touches du clavier.
Maintenant que ceci est exposé, vous commencez à comprendre ma surprise en découvrant la sortie de ce jeu sur Nintendo Switch. Je me suis rapidement souvenu qu’elle disposait d’un écran tactile. Et j’ai directement compris que celui-ci pouvait s’avérer encore plus efficace qu’une souris. Mais ça, c’était avant d’être rattrapé par le second système de jeu qui apporte une autre dimension au gameplay.
Hell Warders propose une nouvelle manière de gérer l’organisation de vos défenses. Vous ne disposez plus vos défenses en vue aérienne comme dans les versions classiques. Le jeu vous met dans la peau d’un chef de guerre allant poster ses troupes sur le terrain. Ainsi s’ajoute une forte difficulté liée à la topographie des zones. Il vous faudra parfois faire preuve de ruse pour accéder à des emplacements stratégiques. Sauter de plateforme en plateforme mais surtout ne pas tomber dans les trous.
En effet, chaque chute dans un abysse est pénalisé de 10 secondes avant réapparition et donc d’un temps perdu, soit durant les deux minutes trente dont vous disposez entre chaque vague, soit durant l’attaque. Anodine sur les premiers niveaux, une chute pourra provoquer votre échec dès le second chapitre du jeu.
Même si le choix d’un déplacement en vue à la troisième personne (TPS) peut paraître étrange vu les contraintes que cela impose, ce choix prend tout son sens lors des attaques des hordes des enfers. Durant ces phases, tout comme dans un MOBA ou un MMORPG, le personnage que vous aurez sélectionné disposera de 3 compétences utilisables en plus d’une petite attaque de base. Le but de ceci ? En plus de toutes les défenses que vous avez placées, vous pourrez aussi prendre part à la bataille. Ainsi, vous devenez vous-même un élément central de la défense de votre Nexus (pierre magique qui assure la survie du royaume).
Un RPG aux classes limitées
Vous pourrez choisir parmi ces trois classes de personnages pour vous défouler :
- Le chevalier, héros pouvant réaliser des sauts dont les impacts provoquent des dégâts de zone. Mais aussi effectuer une percée dans les troupes ennemies tel Reinhardt dans Overwatch. Ou encore assurer un mur complémentaire en se protégeant derrière son bouclier.
- Le chasseur vous offrira des attaques à distance pour lesquelles il faudra bien prendre en compte le nombre de munitions et le temps de rechargement de votre pistolet ou votre fusil.
- Enfin, le barbare nordique, fidèle à la réputation de sa nation avec son énorme marteau pouvant repousser les adversaires, accompagné de barils de poudre explosifs.
Ce choix, bien que restreint, permet de disposer d’attaques adaptées aux différents champs de bataille que vous découvrirez.
L’aspect RPG du jeu se trouve dans le fait que si vous réussissez à atteindre les objectifs de niveau, vous pourrez débloquer des éléments qui viendront renforcer soit vos troupes, soit votre gardien. Dans ce dernier cas, il s’agira principalement de renforcer l’armure de votre gardien ou son arme. Le véritable lot d’objets de renforcement intéressant est celui qui permet d’augmenter la force des attaques des troupes ou la durée des effets des sorts de certains magiciens. Leur utilité est vraiment variable et seuls quelques-uns seront vraiment stratégiques.
L’augmentation du temps de ralentissement des troupes adverses (anneau du temps ou tome de ralentissement) ou de renforcement d’attaque (flèches de mithril ou tome de feu) seront prioritaires sur les objets de soin (tels que le pendentif du Séraphin).
Des contraintes stratégiques
En plus de ce mix entre deux grands genres, Hell Warders apporte une complexité complémentaire et stratégique. Le nombre de troupes dont vous pourrez disposer est limité. Cette contrainte n’existe pas par manque d’âmes pour les obtenir ou par une croissance de leur coût : cela ne concerne que leur niveau d’évolution.
Le jeu vous imposera un nombre maximum de troupes variable pour chaque niveau. Il faudra donc y réfléchir à deux fois avant de poser la moindre troupe voire même reconstruire complètement votre stratégie de défense entre chaque vague.
En effet, Hell Warders dispose d’une autre caractéristique stratégique, les portails d’attaque des troupes. Afin de briser la monotonie, chaque vague d’adversaire dispose de types de troupes différents et parfois une répartition des masses totalement inversée. Mais surtout, de nouveaux portails peuvent s’ouvrir en plein milieu du champ de bataille.
Ainsi, avoir une stratégie de défense éloignée de votre Nexus pourra s’avérer être une faiblesse après plusieurs vagues. Mais une stratégie de défense trop proche de votre base ne permettra pas de tenir longtemps face au volume de troupes qui vous tombera dessus. Il est donc vital de garder un équilibre entre les deux et surtout d’étudier chaque configuration de terrain dans le moindre détail.
Un univers sans surprise mais parfaitement exploité
Hell Warders est un jeu dont le monde est directement issu des classiques de l’heroic fantasy. Vos troupes seront constituées de braves chevaliers, arbalétriers, sorcières ou armes de siège telles que le scorpion. Vos adversaires piochent dans toutes les strates de créatures infernales telles que les rejetons des enfers, les guerriers démoniaques, les “jeunes cracheurs de feu”, les goules ou les golems.
Bien qu’assez classique et simple, le character design du jeu est propre et efficace. Vous savez où vous êtes et pourquoi vous êtes là. Il en est de même pour les différents niveaux que vous traverserez. Partant des portes du château que vous défendez, vous en explorerez les plus profondes pièces pour atteindre les portes de l’enfer en quatre chapitres. Il n’y a quasiment pas un niveau semblable. Et même s’ils sont au final peu nombreux (23 niveaux en mode normal), c’est un bel effort à noter.
Une ambiance qui ne laisse place qu’à l’action et à la réflexion
Après avoir admiré les décors et vos troupes, vous serez troublé par un élément qui jusqu’à présent aura su se faire oublier, la musique.
Les thèmes du jeu sont en effet quasiment inexistants et loin d’être marquants. Les plus nostalgiques auront tout de même l’impression de retrouver l’ambiance des premiers Diablo, ce qui n’est pas rien. Mais il ne faut pas oublier qu’on est là pour faire fonctionner notre cerveau de stratège ou laisser nos instincts de guerrier prévaloir. Il n’y a donc aucune place pour les éléments perturbateurs tels que la musique. Ou pas.
Quand des marées de monstres vous tombent dessus, il aurait été plaisant d’avoir une musique spécifique. Ou lorsque vos troupes se font décimer, un petit thème mélancolique ou critique avec un positionnement spécial pour se diriger dans la masse. Bien que mes retours puissent paraître sauvages, l’ambiance générale du jeu est vraiment bonne et il est agréable de ne pas être submergé de sons lorsque votre cerveau devra réagir aux changements imprévus dans l’équilibre des forces.
Un choix de plateforme digne de l’enfer
Hell Warders a été développé pour PC et les équipes de Anti Gravity Game Studio ont décidé de tenter l’aventure d’un portage sur console de salon. Le choix s’est porté sur Nintendo Switch avec peut-être en tête les mêmes choses que je vous ai exposées comme l’utilisation de l’écran tactile. Ou tout simplement car ce style de jeu se prête facilement à l’idée d’une partie rapide en mode portable. Cependant, le plus gros défaut du jeu est d’avoir choisi la plateforme la moins puissante du marché des consoles dites “de salon”. Qu’il s’agisse de jouer en mode portable ou sur votre télévision, le jeu subit de très lourds ralentissements. Dès que les vagues d’ennemis sont trop importantes, la console n’arrive pas à supporter le nombre de personnages à gérer. Et si on se lance un niveau avec peu d’adversaires, il faut éviter ceux possédant des effets lors de leurs attaques pour ne pas subir des chutes de framerate. Ainsi les jeunes cracheurs de feu seront un enfer. Et vous hésiterez à deux fois avant de faire monter le niveau de vos troupes car les halos de lumière qui montrent leur évolution seront aussi très pénibles pour la console.
Bien qu’on puisse s’habituer aux ralentissements, il reste que ceux-ci peuvent atteindre des sommets. Il m’est arrivé de perdre quelques commandes car le jeu qui avait trop ralenti ne les a pas interprétées. Ou parfois, il est surprenant de voir arriver une attaque qui avait été déclenchée quelques secondes plus tôt. Comme je l’ai indiqué, quel que soit le mode de jeu, vous subirez ces ralentissements. Le mode portable profitant d’une baisse de résolution offre tout de même des performances bien plus acceptables. Toutefois, si par malheur vous souhaitez passer sur le mode portable pour profiter du gain de performance, le jeu vous tirera une seconde flèche de mithril dans le genou.
En effet, la taille de l’image ne s’adapte pas au format de l’écran. Et alors que les tailles de texte sont acceptables sur un écran de 55 pouces, les 6,2 pouces de la Nintendo Switch vous laisseront lire des caractères de 3 millimètres (j’ai mesuré) pour des données telles que vos caractéristiques ou tout simplement les sous-titres. Il est donc exclu pour les non anglophones et les personnes possédant quelques problèmes de vue de suivre l’histoire en partant avec la Nintendo Switch sous le bras.
Une pépite éclatée
Hell Warders est un très bon jeu de stratégie de défense et un bon action-RPG. En lisant le test on pourrait croire le contraire mais loin de là. Le jeu est addictif, novateur et vous retournera un peu les méninges.
J’ai été heureux de pouvoir tester un tel projet et le travail effectué sur l’ambiance par l’équipe d’Anti Gravity Game Studio est remarquable. La seule erreur que vous pourriez faire en achetant ce jeu est de choisir le mauvais support. Hell Warders est un bon jeu PC mais loin de convenir à la Nintendo Switch. Si vous possédez l’âme d’un héros, venez rejoindre les gardiens et aidez-nous à protéger notre monde de l’engeance démoniaque qui tente de nous envahir!
Note : 13/20
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