Bien vu l’aveugle !
Le démon de Hell’s Kitchen est réapparu sur vos écrans après plus d’un an d’absence depuis la série The Defenders sur Netflix. Cette saison 3 nous montre un héros plus torturé que jamais, des morts à la pelle, des secrets qui n’auraient pas dû être dévoilés et surtout le grand retour de Wilson Fisk en tant qu’antagoniste principal, pour le grand plaisir (ou pas) des fans de la série.
Le pitch
Le pitch est plutôt simple et efficace : Matt Murdock revient d’entre les morts après s’être pris un immeuble sur la tête. Salement amoché, il doute pouvoir reprendre du service en tant que Daredevil et se cache dans l’église qu’il a l’habitude de côtoyer depuis sa jeunesse, aidé par 2 personnages importants du corps religieux.
Parallèlement à cela, Wilson Fisk sort de prison et essaye de reprendre ce qu’il pense lui revenir de droit : la ville de New York. C’est à ce moment que la saison commence réellement : la cloche du deuxième round entre Daredevil et Fisk retentit, mais les deux adversaires ne sont plus ce qu’ils étaient auparavant : Daredevil a laissé sa place à un Matt Murdock sombre, froid et rempli de colère, se dirigeant vers un chemin qu’il refusait d’emprunter jusque-là : la mort.
Toute la saison portera ainsi sur deux tableaux : Matt Murdock qui est prêt à tout pour arrêter Fisk quitte à renier ses amis et Wilson Fisk qui recrée progressivement son emprise sur Hell’s Kitchen qu’il avait perdu lors de la saison 1. De nouveaux protagonistes se joignent à la saison, étendant son univers et dépassant le cadre du justicier/super-vilain qu’on ne connaît que trop bien.
Le traitement des personnages
Le traitement donné aux personnages est un des points forts de la série. Très psychologique, cette saison plonge dans les abîmes psychiques de nombreux protagonistes. Tous y passent et c’est presque à croire que les épisodes se transforment parfois en session chez le psy.
Évidemment, le premier personnage à se poser une infinité de questions est Matt. Toujours pris entre deux eaux, celle de la justice droite, dictée par la morale, et celle d’une justice du talion, personnelle mais cathartique, que le système ne peut pas apporter. Cette dimension plus sombre et plus plus violente est contrebalancée par la venue d’un nouvel adjuvant féminin : sœur Maggie. En effet, Rosario Dawson l’avait annoncé, elle ne jouera plus le personnage de Claire Temple. Il fallait donc introduire un nouvel équilibre et c’est un nouveau personnage religieux qui prend cette place. Son rôle important nous sert à découvrir une autre facette de la jeunesse de Matthew Murdock, autre que ses entraînements avec Stick & Elektra (qui étaient sympa mais qui tournent vite en rond).
Wilson Fisk, lui, est finalement celui qui se pose le moins de questions, qui est soumis aux moins de doutes. Droit dans ses idées, il suit le plan qu’il a élaboré avec brio, où l’hésitation et l’approximation n’ont pas leur place. Grand manipulateur devant l’éternel, le personnage est d’ailleurs enfin appelé par son “nom de scène” au milieu de la série : le Caïd. C’est indéniablement un des personnages les plus intéressants de cette saison.
Un groupe de nouveaux personnages apparaît, constitués d’opposants comme d’adjuvants : le FBI. Cette nouvelle introduction permet à la saison de dépasser les simples querelles tournant autour des valeurs vues et revues du bien et du mal et apporte une réelle nuance aux protagonistes. Même si cela tire l’intrigue vers une dimension qui n’a jamais été réellement exploitée dans les séries sur les univers des comics (en effet, à certains moments on pourrait se perdre à croire regarder une série d’espionnage politique), c’est une tournure innovante qui apporte un vent de fraîcheur.
Deux personnages sont mis à l’avant de la scène très tôt, ce qui permet aux spectateurs de comprendre qu’ils auront leur rôle à jouer. On retrouve d’ailleurs dans ce duo l’opposition mauvais/bon qu’il y a entre Daredevil et Fisk.
Un nouveau méchant de l’univers Marvel nous est introduit au fil de la saison : Bullseye. En effet, c’est sous les traits de Pointdexter que celui-ci prend forme et c’est à la fin de la saison, à la suite du combat final contre Fisk qu’il entame son processus de transformation. Néanmoins, les connaisseurs des comics observeront une grosse différence entre la genèse du personnage sur papier et dans la série. En effet, dans cette dernière celui-ci se fait opérer la colonne vertébrale après s’être fait fracassé le dos par Fisk, alors que dans les comics c’est suite à un gros combat contre Daredevil que sont squelette est renforcé en adamantium.
Enfin, on retrouve les deux compères de longue date, fidèles au poste mais en proie à de nombreux doutes sur la valeur de leur amitié avec Matt : Karen et Foggy. Amis, confidents et complices, les deux new-yorkais ont une importance majeure dans l’évolution du personnage de Matt Murdock/Daredevil puisqu’ils se placent tous deux comme le ciment d’une personnalité vacillante.
La réalisation
Cette troisième saison se distingue par sa réalisation très spécifique. Si le traitement des personnages joue un rôle fondamental dans l’élaboration de leurs portraits, la réalisation de leurs apparitions n’en est pas moins anodine. Bourdonnements dans la tête pour Pointdexter, de nombreux passages d’observateurs pour Fisk, chaque personnage semble avoir son option de réalisation qui permet de tirer les traits qui le définissent.
Côté direction artistique, on retrouve les couleurs qui définissent l’univers du démon de Hell’s Kitchen : le rouge et le noir. Les combats sont toujours menés avec brio (gros coup de cœur pour le passage dans la prison du 4e épisode qui nous a clairement rappelé une chorégraphie similaire dans la première), les épisodes sont bien construits et tiennent le spectateur en haleine du début à la fin.
Je noterais néanmoins deux petits bémols. Tout d’abord l’arc de la campagne de Foggy n’est pas assez mis en avant, ce qui est dommage car mélanger davantage de politique à cet univers sombre aurait pu donner encore plus de profondeur à la saison. Ensuite, le second bémol et le plus gros selon moi, réside dans l’épisode 10 : trop centré sur Karen et son passé avec sa famille dans un restaurant perdu dans le désert, on découvre la jeunesse douloureuse de la jeune femme, sa crise familiale et enfin le meurtre de son petit frère, Kevin. Même si cela donne une épaisseur psychologique en plus au personnage, consacrer presque un épisode entier à cela en laissant le spectateur sur un cliffhanger à la fin de l’épisode 9 est un peu duraille…
Les sujets clés
Cette troisième saison est-elle plus intellectualisée que les précédentes ? C’est du moins ce qui nous a semblé à travers les thématiques choisies par les scénaristes.
Première thématique abordée : la quête de soi. C’est finalement un parallèle fait avec la saison 1 : comme au début, Matt Murdock se cherche et se demande qui il souhaite devenir. Face à un ennemi quasi invincible, celui-ci s’apprête à endosser le costume du personnage qu’il a créé sur mesure, son alter-ego justicier. Dans cette saison, le personnage principal n’est plus ni Matt Murdock, ni Daredevil mais un être qui peine à se reconstruire et à trouver la voie qui l’attend. D’autres personnages sont confrontés à cette même quête : Karen, qui essaye tant bien que mal de vivre avec du sang sur les mains et de se reconstruire comme elle peut, Pointdexter pour qui la frontière entre le réel lui et celui qu’il essaye d’être est aussi fine que du papier à musique, l’agent Nadeem qui cherche sa place dans l’échiquier de la manipulation, et même soeur Maggie. Bref, un joyeux cocktail de torturés.
L’enfance (et la jeunesse) est la seconde thématique fortement exploitée. On dit que les problèmes psychologiques se créent à l’enfance, ce n’est donc pas pour rien que 3 des personnages principaux sont montrés dans leur vulnérabilité la plus extrême. Finalement les trois enfants se ressemblent : en colère, submergés par un sentiment d’injustice et en proie à l’abandon, ils cherchent comment prendre place dans une société qui, à priori, ne s’annonce pas faite pour eux. Que cela soit pour le petit Matthew, le petit Wilson ou le petit Ben, la violence devient leur amie et les guide dans un chemin duquel ils ne pourront pas tous se détourner.
Enfin, la symbolique est également un aspect important de cette saison. On retrouve les face-à-face méchants/gentils sur plusieurs échelles : Daredevil VS Fisk, Pointdexter VS Nadeem, Daredevil VS Daredevil, voire même Karen VS Foggy. La création du personnage de Daredevil suit dans les grandes lignes celle opérée dans la saison 1. Littéralement mis face à ses doutes, Matt se retrouve à combattre ce qui s’illustre comme son côté obscur, ses doutes et son envie parfois de recourir à la peine capitale pour palier à un manquement flagrant de la justice. Les couleurs ont également leur importance : là où Matt apparaît le plus souvent en noir, Fisk lui revêt rapidement un costume blanc immaculé. D’ailleurs, Matt ne reprend pas une seule fois son costume dans la saison, ce qui en dit clairement sur son état d’esprit par rapport au rôle de justicier de New York qu’il s’est lui-même donné.
En bref
Après une saison 2 préparant la série The Defenders, on revient finalement aux fondamentaux qui ont fait le succès de la production américaine. La saison 3 est pour moi une réelle réussite et on espère que Netflix n’annulera pas la suite comme cela a été fait avec Iron Fist ou Luke Cage… Enfin, on espère ne pas retomber dans le schéma de la saison 1 mais bien exploiter les nouveaux personnages introduits (Pointdexter, voire même Vanessa) et surtout revoir le costume du célèbre démon de Hell’s Kitchen !
Article co-écrit avec Adam Billard.