TEST – The Last of Us Part II

TEST – The Last of Us Part II

TEST – The Last of Us Part II

TEST – The Last of Us Part II C'est bien ?

RETOURS EN ENFER AUX CÔTÉ D'ELLIE
4.8

En deux mots :

The Last of Us Part II frappe fort et là où on l’attendait : sur son histoire, portée par une narration soignée et intelligente.

Envoi
User Review
2 (1 vote)

The Last of Us Part II est un jeu vidéo d’action-aventure de type survival horror en vue à la troisième personne développé par Naughty Dog et édité par Sony Interactive Entertainment sur Playstation 4. Le jeu est sorti le 19 juin 2020 et fait office de suite directe au jeu The Last of Us sorti sur PlayStation 3 le 14 juin 2013, soit 7 ans plus tard. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’attente aura été longue.

Attention, ce test contient des SPOILERS concernant le premier et le second jeu.

L’ambiance est toujours aussi réussie !

Part II : plus qu’une suite, la deuxième partie d’une même histoire

Par simplicité, nous allons, dans ce test, raccourcir le titre du jeu The Last of Us Part II à TLOU2. Il reste cependant intéressant de se pencher sur la dénomination précise ici choisie, à savoir Part II. Pour le coup, TLOU2 n’est pas vraiment une suite, mais se positionne plutôt comme la seconde partie d’une même histoire. Pour cause, Neil Druckmann, écrivain du jeu, prend le parti-pris avec ce Part II de replacer le joueur dans son histoire originale, et d’en travailler les rouages, jusqu’aux scènes inconnues. Ainsi, le message que le jeu chercherait à nous faire passer est que chaque action entraîne des conséquences. En effet, l’histoire commence alors qu’Ellie et Joel vivent à Jacksonville dans un calme des plus surprenants pour les deux protagonistes. Bien évidemment, ce calme est de courte durée pour le joueur puisqu’un événement des plus terribles se produit : la mort de Joel, causée par un personnage joué quelques minutes par le joueur mais jusque-là inconnu : Abby. Alors que Joel est exécuté “à l’arrache” dans une scène aussi surprenante que choquante, Ellie, qui survit à ce traumatisme, n’a plus qu’une idée en tête : venger Joel. Démarre dès lors le cycle infini de la violence.

En cela, le fait d’introduire – vers la moitié du jeu – une seconde partie totalement différente dans laquelle le joueur prend pleinement possession d’Abby, est pour le moins surprenante, mais reste très pertinente. Ne nous mentons pas, je pense que, comme à peu près tout le monde, j’ai été très énervé lorsque j’ai compris, en découvrant l’arbre des compétences d’Abby, que nous allions passer un petit moment à ses côtés. Or, ce rejet, voire ce dégoût du personnage, est naturel : jusque-là, le joueur s’était mis dans la peau d’Ellie, et nous avions donc naturellement pris parti pour elle. Et même si j’ai parfaitement compris que le jeu souhaitait me montrer qu’il n’y avait ni gentil, ni méchant, mais une suite d’événements, j’étais réticent à l’idée de jouer Abby. Pourquoi ? Parce que je n’avais pas envie de l’apprécier, je n’avais pas envie de la comprendre. Tout comme Ellie. Tout comme n’importe quelle personne subjective. Pourtant, le fait d’incarner Ellie, puis Abby, permet assurément de rendre l’expérience moins manichéenne et de rentrer plus intelligemment dans la psychologie des personnages. Au-delà des différences secondaires de gameplay, ce sont surtout les différences de scènes, les histoires, les passifs qui donnent leur profondeur à ces destinées croisées.

Ainsi, si je comprends très bien qu’on ait pu crier au loup lorsque le jeu change de protagoniste, il m’est impossible – une fois le jeu terminé – de jeter l’ensemble des phases jouables avec Abby. D’autant plus que pour ma part, parmi les scènes qui m’ont le plus marqué dans l’expérience, la majorité sont jouées avec Abby. Je pense, par exemple, aux grues entre les immeubles, à la descente de l’immeuble infesté et par lequel vous devez descendre, étage par étage, dans une ambiance parfaite, jusqu’aux scènes dans l’Aquarium qui donnent une vie folle à l’environnement.

Objectivement, une des meilleures scènes !

Côté gameplay ? Côté graphismes ?

Sans être aucunement au cœur de la promesse de Naughty Dog, nous ne pourrions pas particulièrement féliciter le jeu pour ses ajouts, qu’il s’agisse aussi bien des mécaniques que du graphisme. Pour cause, ceux-ci restent secondaires.

Côté graphismes, si le jeu est tout à fait plaisant à l’œil, il utilise le même moteur graphique qu’Uncharted 4: A Thief’s End ou encore celui d’Uncharted: The Lost Legacy. Ainsi, si toutes les textures ne sont pas parfaites, le jeu reste très joli et profite d’une direction artistique soignée aux paysages inspirés. Il est d’ailleurs important de noter qu’un soin tout particulier a été apporté aux expressions et à la gestuelle des personnages qui leur permettent bien souvent de faire passer plus d’émotions par l’attitude que les mots. Une réussite de ce côté-là, puisque le studio n’a jamais promis de rendu exceptionnel. Ici, c’est tout à fait suffisant (si ce n’est au-delà), ce qui permet au joueur de rentrer totalement dans l’intrigue et de vivre à 100% l’histoire proposée.

Explorer et bien regarder autour de soi peut nous faire gagner un temps précieux, voire éviter quelques jump scares !

Bien que le gameplay ne subisse que très peu de changements par rapport au premier opus, il se voit greffer des arrangements qui nous facilitent un peu la vie. L’action se voit alors fluidifiée pour le joueur, favorisant une progression naturelle au profit de la narration. Encore une fois donc, l’équilibre global du jeu a été pensé de façon à mettre vraiment l’histoire au premier plan.

Au fur et à mesure de vos découvertes, votre carte se remplira. Une des meilleures idées de gameplay de cet opus, malheureusement sous exploitée !

Un jeu narratif à part entière

Il est particulièrement difficile de ranger TLOU2 dans une case. Et heureusement. Car c’est précisément, selon moi, ce qui fait tout son intérêt. À la frontière des genres, The Last of Us Part II est à la fois un jeu d’aventure qui gratifie l’exploration, dans un monde semi-ouvert aux décors post-apolyptiques, dans un contexte de survie en milieu hostile, si ce n’est horrifique, et porté par une narration ultra soignée. Et ce qui m’a personnellement le plus marqué dans cet opus, c’est avant tout sa narration, construite de façon désordonnée, mais organisée, permettant au joueur de découvrir les sentiments des personnages au moment opportun. Ainsi, si certains moments très attendus par les joueurs n’arrivent qu’au tiers, au milieu ou à l’extrême fin du jeu, c’est tout simplement pour permettre au joueur non seulement de se garder quelques surprises, mais également pour comprendre – lorsque cela est nécessaire seulement – l’état d’esprit dans lequel se trouve le personnage (Abby ou Ellie) à chaque moment précis de l’histoire.

À la suite du premier jeu, les joueurs n’avaient qu’une question en tête : quand Joel annoncera-t-il à Ellie pourquoi elle n’a pas pu créer de remède lors de son passage dans l’hôpital des Lucioles ? Cette fin du premier jeu était au cœur de l’amour presque irréprochable qu’ont voué les joueurs à l’égard du jeu. À la fois irrationnelle, mais profondément humaine, cette décision sera alors lourde de conséquences, en premier lieu pour Ellie qui – pour donner un sens à sa vie – ne voyait dans les Lucioles que sa seule porte de sortie. Tous les joueurs attendaient donc avec impatience ce face-à-face dans lequel les deux personnages allaient enfin dévoiler la vérité.

Les phases en bateau sont plutôt sympathiques…

Bien que Joel ait évoqué à son frère les conditions de sa fuite de l’hôpital et de ses raisons, sa mort choque d’autant plus les joueurs qu’ils attendaient ce fameux face-à-face. Entre alors en jeu cette fameuse narration qui m’intéresse tant. À la fin de chaque chapitre majeur du jeu, le joueur revit alors des scènes du passé qui donnent petit à petit, de façon découpée, mais pourtant ordonnée, plus d’indications au joueur quant à la façon d’interpréter la psychologie et les comportements des personnages. Ellie a eu des soupçons quant à l’épisode de l’hôpital ; Ellie a mené son enquête ; Ellie a fait face à Joel ; Joel lui a dit la vérité ; Ellie était déjà dans la phase d’acceptation lorsque celui-ci s’est fait assassiner. Autant d’informations et de scènes nécessaires à la compréhension de la mentalité vengeresse et haineuse dans laquelle se trouve la protagoniste. Le joueur, au fur et à mesure de l’histoire, bien que très proche du personnage qu’il a appris à apprécier dans le premier épisode, commence dès lors à prendre ses distances, tout en comprenant ses choix.

C’est alors qu’Abby rentre en jeu, et avec elle tout un nouvel arc narratif. Pour bien comprendre un face-à-face, un duel, il faut comprendre les deux parties. D’un point de vue narratif, TLOU2 part de l’histoire d’Ellie – chère aux fans – et part jusqu’aux côtés d’Abby – personnage éminemment détesté dans la première partie – nous permettant de comprendre son histoire, sa logique et son vécu. Ces deux chemins distincts sont nécessaires, car ils permettent au joueur de saisir une chose essentielle : le joueur – tout comme Ellie – souhaite se venger de la mort de Joel. Pourtant, après avoir vécu l’histoire d’Abby, pourrait-on vraiment lui reprocher d’avoir voulu venger la mort de son père et de toutes les Lucioles ? Le titre impose alors au joueur une difficile réalité : les deux personnages se ressemblent et ne recherchent finalement qu’une seule et même chose : la vengeance.

Certains effets de flou sont appréciables

L’Homme est un loup pour l’Homme

Et qui dit jeu narratif, dit histoire. Et donc fin.
La fin du jeu a beaucoup divisé. Et comme dit plus haut, il n’est pas anodin qu’il soit intitulé The Last of Us Part II et non The Last of Us 2. Si la mort de Joel nous a tous fait enrager, et que nous avons tous plus ou moins secrètement voulu voir Ellie tuer Abby, Naughty Dog nous a appris quelque chose : l’attachement sentimental ne doit pas excuser les actes. Finalement, lorsque l’on prend du recul, Abby n’a fait que venger la mort de son père, un homme a priori bon et qui ne méritait en rien ce qui lui est arrivé. Or, ce n’est pas parce que Joel, qui dans le fond reste un personnage apprécié des joueurs, est le personnage que l’on a suivi dans toute la première partie de l’histoire, qu’il faudrait pour autant pardonner toutes ses actions.

Une seconde leçon que nous donne le jeu réside dans l’absurdité de la vengeance. En cela, nous avoir fait jouer aussi longtemps Abby était un pari dangereux, mais génial permettant de comprendre son vécu, tout comme son chemin vers sa propre rédemption.

Si, à la toute fin du jeu, Ellie ne tue finalement pas Abby, c’est précisément pour mettre en exergue toute l’absurdité de cette vengeance que recherche Ellie dans cet opus. L’objectif est donc que le joueur prenne conscience de ce fait, aux côtés d’Ellie, qui ainsi reste le personnage central. De notre point de vue, il s’agit là de la fin la plus intelligente, car elle re-centre Ellie au cœur de l’histoire. D’ailleurs, si Ellie avait finalement tué Abby, n’aurait-elle pas finalement pris le rôle de la méchante ? Dans un sens, la vengeance d’Abby était plus légitime que celle d’Ellie puisque le père d’Abby était a priori totalement innocent, contrairement à Joel qui a tout de même décimé tout un groupe. Ainsi, si Ellie ne la tue pas, c’est parce qu’elle a fini par le comprendre. Il lui fallait non seulement mettre un terme au cercle vicieux de la violence, mais surtout montrer qu’elle pouvait faire mieux que Joel. Lorsque l’on recontextualise, Abby a tout de même épargné la vie d’Ellie à deux reprises, montrant une forme de logique dans sa vengeance, là où Ellie a tué sans limites tous les amis et camarades d’Abby.

Des endroits comme ça, on en redemande !

Si Ellie a tout perdu, c’est parce qu’elle a choisi de s’entêter dans sa vengeance alors que la vie lui avait fait un cadeau, lui avait offert une forme de paix. Lorsque qu’elle rentre chez elle, découvre la maison vide, et qu’il lui manque deux doigts, ceux-ci l’empêchent de jouer de la guitare, comme une forme de dernier lien qui lui restait avec Joel, pourtant finalement brisé. Malgré tout, elle reste calme parce qu’elle comprend qu’elle a fait son choix, qu’elle ne peut pas repartir en arrière, et que maintenant qu’elle a tout perdu, elle va pouvoir évoluer et passer à autre chose.

Au bout du compte, ce qui est intéressant avec The Last of Us Part II, c’est que pendant toute la durée du jeu, celui-ci nous fait passer un message : qu’il n’y a aucune morale, aucun leitmotiv et aucune phrase fétiche à garder en tête. Le jeu endosse alors à merveille son tablier de survival horror dans lequel la survie revient au centre de l’attention. Tuer, se protéger, se venger : peu importe. Ce qui compte, c’est de survivre, quitte à y perdre toute rationalité et toute humanité : le réel danger ne réside alors pas dans l’omniprésence des infectés, mais bien dans l’humanité que vont perdre petit à petit les humains qui descendent alors à leur niveau dans le seul but de survivre. Naughty Dog nous livre ici un jeu qui joue avec nos sentiments, et nous plonge dans un monde cruel dans lequel n’importe qui peut trépasser en un claquement de doigts. Toutefois, ce n’est qu’une fois cette descente aux enfers réalisée que le jeu pose sa scène de fin et pousse le joueur à comprendre : cette violence sans fin n’est pas la solution. Elle ne l’a jamais été.

Joel estimait avoir eu raison pour son acte. Ellie choisit d’agir différemment.

Depuis The Last of Us sorti sur PS3, il s’en est passé des choses ! 

Notre avis

Depuis sa genèse, Neil Druckmann nous avait avertis : The Last of Us Part II divisera les joueurs. Il n’avait pas l’intention de créer un jeu pour plaire à tous, mais plutôt d’y insérer des éléments qui prennent aux tripes, qui éveillent des sentiments vifs avant de nous proposer de les questionner et de prendre du recul sur les situations vécues par les protagonistes.
Est-ce que le pari a été tenu ? Selon nous, oui. Totalement. Le monde du jeu n’est ni tout blanc ni tout noir, et se voir exposé à deux tranches de vie parallèles amène beaucoup de matière à l’histoire. Que l’on aime ou non, il nous semble donc très difficile de ne pas reconnaître le jeu comme une grande réussite, si ce n’est un petit chef-d’oeuvre. Un petit bijou légèrement imparfait dont les impuretés et les quelques maladresses sont effacées par une narration soignée et intelligente.

Article co-écrit avec Billy Dubos et Julien Veng

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